voyages au fil des pages - Corps et âme
Sylvie Lecteur
Corps et âme
L'enfant prodige
Frank Conroy

Comment vous faire comprendre ce que j’ai ressenti pendant cette lecture… On dit qu’après Mozart, le silence qui suit est encore de Mozart. Je fais partie d’un chœur amateur, et il m’arrive aussi d’assister à des concerts de musique classique. Certaines œuvres procurent des sensations intenses, de bien-être, de plaisir pur, sans oublier le stress, le trac qui précède l’entrée en scène. Souvent, à la toute fin du morceau, le temps reste suspendu à la baguette du chef pendant quelques secondes, personne ne bouge ni ne souffle le moindre mot, comme si tous, choristes, musiciens, chef, auditoire, voulaient prolonger les émotions éprouvées pendant le morceau, au-delà de la partition. Quelques secondes pour que les dernières ondes sonores se dissolvent dans les plafonds de la salle de concert, pour que les corps et les âmes, habités par la musique, reviennent à la réalité. C’est là que la tension se relâche, que le chef abaisse le bras, que les musiciens et choristes reposent instruments et partitions, que le public éclate en applaudissements. Soulagement et euphorie mêlés, c’est jouissif et fascinant. L’expression « corps et âme », c’est exactement ça. En l’occurrence, le petit miracle de Frank Conroy, c’est d’avoir su restituer à la perfection les états d’âme de son héros, futur pianiste virtuose, et de réussir à nous faire entendre la musique qu’il décrit. Les non-musiciens pourraient trouver ces descriptions rébarbatives, et j’avoue que je n’ai pas tout compris de la musique atonale, mais ce n’est pas gênant. Les sceptiques pourraient aussi trouver cette histoire trop belle pour être honnête, avec cette incroyable succession de coups de chance, mais je ne crois pas que ça nuise à sa crédibilité. Vous allez me trouver guimauve, mais tant pis, moi j’aime bien les belles histoires…