voyages au fil des pages - L'enfant perdue

L'enfant perdue

L'amie prodigieuse - IV
Maturité, vieillesse
Elena Ferrante
L'enfant perdue - Elena Ferrante
Je termine cette saga prodigieuse avec un pincement au cœur, tant je me suis attachée à ces héroïnes et à leurs univers, et avec un sentiment de perte. La perte, d’ailleurs, présente jusque dans le titre, marque ce dernier volume. Pouvait-il en être autrement, quand toute la saga trouve son fondement dans la perte des poupées ?
La perte des illusions amoureuses et politiques, la perte de la jeunesse (et l’arrivée de la vieillesse et de ses affres, avec la mort en ultime point de mire, mais chaque fois plus proche) et de l’innocence (déjà sérieusement entamée par la violence des années de plomb, mais cette enfant perdue… bon sang, quel drame sidérant…), ce qui nous vaut un tome plus sombre que les précédents, où malgré l’âpreté de la vie, toutes les difficultés se surmontaient tant bien que mal. Cette fois, on sent bien que tant Lila qu’Elena marchent, à leur tour, au bord de l’abîme…
Les repères sociaux et religieux se brouillent aussi, on vit ensemble sans être marié, on se marie sans passer par l’église, on ne baptise plus les enfants, les femmes quittent le foyer et prennent leur indépendance.
Ce qui ne se perd pas, ne change pas, c’est la complexité, l’ambiguïté de la relation entre Elena et Lila. Lena, désormais écrivaine reconnue, n’en finit pas de s’interroger sur la manière dont Lila a influencé son écriture. Lena a-t-elle écrit ce qu’elle voulait réellement écrire, ou, inconsciemment, ce que Lila a voulu qu’elle écrive ? A-t-elle écrit par procuration, Lila a-t-elle vécu ses propres rêves à travers l’écriture de Lena ?
Chronique d’une amitié et chronique sociale, la saga d’Elena Ferrante a tenu ses promesses jusqu’au bout, bouclant plus d’un demi-siècle d’histoire italienne sur plus de 2000 pages. Captivante, intelligente, réaliste, sans artifices, sincère, intense, bouillonnante, comme la vie, elle se termine sans répondre à toutes les questions.
D’ailleurs, qui pourrait dire, d’Elena ou de Lila, laquelle est véritablement « l’amie prodigieuse » ?