Adelmo Baudino était cheminot, jusque pendant la guerre. Il a participé à la résistance des partisans italiens contre les nazis et leurs alliés fascistes. Il a vu mourir des amis. C'est pourquoi il est particulièrement amer d'avoir été « épuré » des employés des chemins de fer à la fin de la guerre en 1945 sous prétexte d'avoir été membre d'une milice d'obédience fasciste alors qu'il était enquêteur pour le rail. Aujourd'hui, Adelmo est maçon. Jusqu'à ce qu'il apprenne par hasard que deux anciens cheminots ont été assassinés à Turin. Son ami Berto, épuré comme lui mais fils d'un riche notaire, le convainc de rechercher l'assassin, pour essayer de rentrer dans les bonnes grâces des autorités.
Voilà un bon polar, bien construit, avec de beaux personnages, qui rend bien compte d'une époque qui fut trouble un peu partout en Europe : celle de la fin de la deuxième guerre mondiale, et son cortège d'injustices, de vengeances, de mesquineries, et de courage très récemment retrouvé s'exprimant sur le dos de quelques victimes expiatoires d'autant plus faciles à tondre qu'elles sont sans défense. Un phénomène qui est loin de se limiter à l'Italie. Ce qui est peut-être plus proprement italien, c'est le maintien souterrain d'une forte identité fasciste. Un bon polar donc, qui ne déçoit un peu que parce qu'il est l'oeuvre d'Alessandro Perissinotto, dont j'ai quand même préféré les deux autres romans traduits en France, La chanson de Colombano (Folio Policier n°336), plus inhabituel sur le fond, et le récent A mon juge, Série noire, plus original dans la forme.