Marie-Anne, jeune institutrice, débarque en plein coeur du pays normand, dans le fief des bouilleurs de crus. Elle se heurte d'emblée à sa directrice et aux parents quand elle interdit aux gamines de sa classe de porter un flacon de gnole maison pour leur déjeuner. Sa parenté avec René Augereau, gendarme de la répression des fraudes, n'arrange pas les choses. Son combat contre l'alcoolisme érigé en tradition de toute une région est perdu d'avance, mais elle ne le sait pas et va essayer, jusqu'à la rupture.
Ecrit au début des années soixante, ce court roman de Jean Amila montre qu'en pays normand les choses avaient peu évolué, un siècle après Maupassant. On retrouve le mélange de bêtise, d'alcoolisme et de ruse sournoise qui crée une ambiance étouffante propice à l'exaltation des pires instincts humains. La comparaison pourrait être écrasante, il n'en est rien. Jean Amila construit son court roman en un crescendo impeccable qui culmine dans l'explosion de haine de la populace, abrutie d'alcool et excitée par un notable sans scrupule. Il arrive même à terminer sur une toute petite lueur d'espoir, un frémissement, l'amorce d'un changement d'époque, malgré la noirceur du constat.