La lecture de ce récit dépourvu de toute fioriture est un véritable uppercut, elle ne peut laisser quiconque indifférent.
D'une plume sèche, précise, parfois teintée d'humour (qui permet sans nul doute de tenter de supporter l'insupportable), une jeune allemande dresse le portrait de ses compagnons d'infortune, de ce peuple de la cave contraint, toutes conditions confondues, à cohabiter. Elle les croque, les dessine avec autant d'acidité que de sincérité (elle ne s'épargne pas elle-même), elle rend compte des comportements humains pervertis par la faim et la peur comme le ferait un scientifique décrivant les observations relatives à une expérience.
Elle n'élude rien de cette vie qui relève plus de la survie dans une ville exsangue, de ces viols qui prennent toutes les formes : Femmes violées "à la va-vite" dans un escalier par un soldat, viols perpétrés par plusieurs hommes, viols brutaux commis par des hommes alcoolisés ou qui possèdent toutes leurs facultés, viols vengeurs, viols de jeunes femmes vierges marquées à jamais par cette première expérience physique, viols sur de vieilles femmes, viols sous les yeux des maris qui par honte ou par peur décident de ne pas intervenir, viols que certaines finissent - comme l'auteur de ce récit - par négocier pour n'être plus violée que par un seul et même violeur.
Ce récit est la preuve, s'il en fallait encore une, que le corps des femmes paye un lourd tribut lors des conflits, que le viol est une arme de guerre, de destruction massive . Mais il atteste également que ces dernières restent fières, qu'elles se bagarrent avec leurs propres armes, leurs propres forces intérieures, qu'elles n'ont rien à envier aux soldats qui se battent au front. Qu'elles mettent tout en œuvre pour survivre malgré les violences endurées, malgré le traumatisme.
Bien plus qu'un témoignage, Une femme à Berlin est le récit fort, marquant et sans concessions d'une jeune femme qui a décidé de survivre et de ne jamais sombrer... Un livre essentiel.