Librairie Sauramps - Nom de code : axiom day

François Libraire
Nom de code : axiom day - Henry Porter
Il est rare que le libraire endurci par des heures de veille et de vaines lectures s'attaque la fleur au fusil à ces pavés de plus de cinq cents pages qui constituent bien souvent le minimum en poids et en papier pour un roman d'espionnage. Il y eu bien sûr les débroussailleurs du genre, Ambler, Cheyney ou Ian Fleming, qu'on peut lire encore entre nostalgie et pur plaisir, il y a ces deux exceptions de très grande valeur, Le Carré et Littell (dont le grandissime La Compagnie restera pour quelques décennies encore le sommet absolu), et il y a ceux qui ont fait évoluer le genre vers le thriller militaire et politique que Clancy, Ludlum et d'autres, plus mauvais qu'eux, ont projeté vers les têtes de gondole des centres commerciaux.
Si le genre a su rendre quelques vraies réussites, transparentes dans le style mais d'une efficacité redoutable, comme Octobre Rouge, force est de constater que les réussites durables y sont rares. Henry Porter pourrait être ce chaînon manquant entre Le Carré et Ludlum, un auteur qui sait tisser les liens étroits entre politique internationale et fourberies d'alcôve, terrorisme planétaire et intrigues passionnelles.
Comme Une vie d'espion (Folio Policier n°323), son précédent roman qui débutait par un crash d'avion cataclysmique, Axiom day attaque dur, à l'estomac, par un attentat sanglant en plein coeur de Londres.
Règle n° 1 du genre, donc : jouer avec les peurs les plus actuelles du brave occidental qui lit beaucoup les journaux. Pour manichéen qu'il soit, le procédé n'en reste pas moins l'amorce la plus efficace pour vous emmener par le nez jusqu'au bout de l'histoire. Porter sait jouer à merveille des ressorts de la narration en chausse-trappe et contre-pieds les plus variés mais ne perd jamais le principal ; des personnages qui se tiennent (le pugnace inspecteur Foyle, sorte de cousin germain du Wallander de Mankell, jusque dans ses problèmes de famille), une histoire qui va jusqu'au bout de son idée (dévoiler les accointances coupables entre services secrets et anciens barbouzes de l'Ulster en phase de pétage de plomb), et une utilisation raffinée des richesses technologiques qui nous entourent (apprenez à faire péter à la figure de votre ennemi un écran d'ordinateur par une simple sonnerie de portable).
Règle n° 2, celle que la plupart de ses congénères plumitifs oublient en route ou emploient de travers, faire concorder ou du moins permettre à ces inventions scénaristiques diaboliques un écho avec la réalité contemporaine. Ce que Porter, ici, réussit en plein, se payant même le luxe de se montrer un peu visionnaire : écrit en 1999, ce roman nous raconte comment les services secrets laissent se retourner contre leur propre camp une de leurs anciennes créatures, avec pour objectif de faire porter le chapeau à l'ennemi de toujours...
A chacun de définir maintenant à quoi la parabole pourrait s'appliquer, dans le bourbier toujours plus opaque des affaires des grands de ce monde...