Treize bouquins écrits pour deux seulement publiés en France, on ne peut pas dire que le cas Ridley Pearson passionne les foules de par chez nous. A raison puisqu'à bien y regarder de plus près, l'écriture et le style du bonhomme (ou plutôt son absence de style) le fera confondre très rapidement avec bon nombres de ses condisciples anglo-saxons plus en phase avec un réel souci d'efficacité qu'avec celui de marquer l'histoire de la littérature. A l'instar d'auteurs comme Robert Crais, Jeffrey Deaver, John Connolly et consorts (et à y réfléchir plus longtemps, la liste serait immense), le modèle ici n'est plus à chercher dans la littérature, mais au cinéma.
Meurtres à grande vitesse n'est pas un livre qui roupillera plus de deux journées sur votre table de nuit. Mené à train d'enfer, cette course contre la montre distille quelques poussées de fièvre, en faisant mariner son lecteur dans une savante structure d'alternance : le poseur de bombe manigance / l'enquête avance moins vite que lui qui fera mumuse avec votre tension artérielle ; un gus (De Niro, on va dire) s'amuse donc à faire dérailler des trains de marchandises sur tout le territoire des États-Unis. Une situation que la compagnie Northern Union Railroad escamote comme elle peut, toute préoccupée de la prochaine inauguration de son train ultra-rapide, le FAST. Dans la foulée, un flic pugnace et plus que malin (disons... Al Pacino) est envoyé sur une scène de crime, un wagon sans cadavre maculé d'hémoglobine. Il finira par lever quelques lièvres pour se retrouver face à une vérité qui n'est pas celle qu'on lui avait demandé d'aller chercher.
Le canevas est facile mais, cessons un instant de jouer les mauvais esprits, le bouquin ne tire pas un seul instant à la ligne. Les personnages sont d'une épaisseur bien réelle ; le terroriste Alvarez et ses méthodes, jusqu'à ses motivations profondes, sont... émouvants, et voir sa course suicidaire vers le désastre s'incliner quelques instants au contact de la jolie Jillian offre de beaux moments d'intimisme à une histoire surchargée en testostérone (et pourquoi pas Michael Mann à la réalisation ? William Friedkin ? David Fincher ?...).
À l'arrivée, pantelants, couverts de sueur, fiérots comme des Bruce Willis en débardeur qui auraient descendu 50 baies vitrées en vol plané, nos deux héros ne finissent pas comme dans ces mauvais film-catastrophe des années 70 (alors, le fil bleu ou le fil rouge, bon sang ?). Non, plus malin que ça, Ridley Pearson qui n'a pas lu tous les livres certes (mais peut-être vu tous les films du genre par contre...), et pour qui la chair n'est pas triste du tout, invente pour ses personnages autre chose qu'une mort pyrotechnique ou une partie de full-contact sur un toit de TGV. Ce sera une fin de vie apaisée pour l'un et un épilogue au plumard avec une créature de rêve pour l'autre. Après l'effort, le réconfort.
Un bouquin stimulant, gorgé d'adrénaline, et tout compte fait moral.