Librairie Sauramps - Au plus bas des Hautes Solitudes

François Libraire

Au plus bas des Hautes Solitudes

Une mission de Neal Carey
Don Winslow
Au plus bas des Hautes Solitudes - Don Winslow
Neal Carey, le personnage principal du livre et héros récurrent de Don Winslow, est un type assez incernable, le portrait-robot du héros de roman noir qui ressemblerait à peu près à tous les privés, porte-flingues et agents spéciaux qui grouillent dans les bas-fonds de cette littérature. D'ailleurs son « papa » et formateur en art de la guerre, Joe Graham, le définit ainsi : c'est un type sans caractère. Forte personnalité, mais aucun caractère. Trouvaille romanesque idéale, Neal Carey est cet homme à tout faire que la « famille » convoque pour effectuer des missions de sauvetage pénibles et surtout dangereuses. Carey se fond dans le décor, adopte la défroque du quidam anonyme, avant d'effectuer avec beaucoup de savoir-faire le sale boulot. Et, plus pratique, se prête au lecteur qui s'identifie à lui très facilement.
L'idée géniale qui ponctue le livre nous le montre écouter la relation de ses prouesses sagement accoudé au bar, et le type qui vient de se faire raconter l'histoire finit par demander : « Et Neal Carey, qu'est-ce qu'il est devenu, lui ? »
Entre deux, Don Winslow déroule un roman d'aventure plutôt musclé qui voit s'affronter notre héros à une bande de petits blancs mous du bulbe mais alertes de la gâchette qui ont eu cette autre mauvaise idée, après celle de vouloir vider les Etats-Unis des sales nègres et Wall Street de tous ces youpins qui leur volent leur fric, d'avoir kidnappé un gosse de 4 ans.
La description que donne Don Winslow de l'Amérique profonde est exemplaire. Des paysages hallucinants des hautes plaines désertiques du Nevada, on passe au train de vie à la fois austère et pénible d'une petite ville de province où le pire côtoie le meilleur. Les gens y sont attachants, drôles et plein de bon sens, ou stupides, teigneux et assassins, avec une même exagération dans un sens comme dans l'autre.
Winslow est un écrivain plein d'humour (lisez A contre-courant du Grand Toboggan, Folio Policier n°363) mais aussi plein de tendresse (la naissance de l'idylle entre Neal et la grande Karen est absolument irrésistible). Si l'on peut trouver que les dernières pages avec ces explosions et ces gunfights en cinémascope, exagèrent un peu, il faut reconnaître à cet écrivain un savoir-faire et une énergie très au-dessus de la norme.