Lettres Exprès - Le ravissement des innocents

Catherine Lecteur
Le ravissement des innocents - Taiye Selasi
« Kweku meurt pieds nus un dimanche matin avant le lever du jour, ses pantoufles tels des chiens devant la porte de la chambre. »
Une première phrase intrigante inaugure le roman de cette jeune auteure anglaise d’origine ghanéenne et nigériane. Kweku est père de quatre enfants, tous nés aux États-Unis. Il est venu du Ghana, a rencontré Folà, devenue son épouse, mais on apprend qu’il l’a quittée de façon brusque, et vit désormais au Ghana, où il meurt donc, comme l’annonce l’incipit.
Ce roman possède un rythme propre, une chronologie qui est aussi une géographie, alternant vie aux États-Unis, départ, retour au Ghana.
Cette lecture a quelque chose de fascinant, un rythme hypnotique, autour du thème principal, les liens qui unissent les membres d’une même famille.
La famille Sai compose une sorte de patchwork, dont les membres, malgré leurs tourments individuels, retrouvent une certaine unité lorsqu’un événement grave survient. Chacun de ces africains expatriés, de la première génération ou de la seconde, souffre de sa famille, ne supporte tout simplement plus le mot famille, et réagit différemment au manque, à la solitude, aux regrets et aux rancunes accumulées. Mais heureusement, chacun a son propre refuge dans l’art, la peinture, la musique ou la danse… Les situations vécues touchent à l’universel, et j’ai eu un mélange de plaisir et d’émotion à accompagner chaque personnage. Ce roman pourtant ne se laisse pas faire, met du temps à faire son chemin. Le style y contribue en introduisant une sorte de dimension supplémentaire, de regard extérieur de chaque membre de la famille sur lui-même, mais je suis sûre que de nombreux lecteurs sauront apprécier ce beau roman !