Le tourneur de pages - J’avoue que j’ai vécu/Confieso que he vivido

Julien Lecteur

J'avoue que j'ai vécu/Confieso que he vivido

Jeunesse/Juventud
Pablo Neruda
J'avoue que j'ai vécu/Confieso que he vivido - Pablo Neruda
Pablo Neruda replonge dans sa mémoire et comme il l’explique, son rapport à l’autre est motivé par la recherche de l’enfant chez son interlocuteur. Il devient ainsi son propre sujet en quête de l’enfance de sa vie. Il replace alors tout un contexte émotionnel et sensoriel captivant. Face au monde l’entourant, il abandonna rapidement le rôle d’observateur pour être dans la vie, en lien direct avec la nature et la passion. Il décrit la forêt dans laquelle il est née et a grandi. Il n’oublie pas les touches de couleurs, derniers souvenirs de scènes marquantes. Pablo Neruda compose sa vie comme un tableau impressionniste, laissant une belle place a l’inexplicable, aux regrets et aux grandes joies. La tendresse pour les êtres disparus imprègne ce texte car une autobiographie est avant une balade au cœur d’un cimetière. Toute la force du poète transparaît dans la clarté de son regard sur le monde. Il a une force tranquille qui définit son chemin. Rien n’était vraiment écrit mais tout cela s’est fait par chance. Savourer le monde est un fil conducteur des personnes rencontrées, lui en premier. Il ne s’agit pas de brûler la vie par les deux bouts mais de laisser l’espace au plaisir même si celui-ci par essence est vain et loin de l’utilité du capitalisme. Il y a même parfois une certaine fantaisie qui face à la violence du monde prend des accents de naïveté. Alors on voit percer la fragilité de certains êtres à regarder ce monde et admettre qu’il leur échappe. Ils ne peuvent pas le comprendre et lutter contre lui. La traversée du siècle n’est pas facile ni aveuglée. Cette première partie des Mémoires teinte l’élan enthousiaste de la jeunesse d’une certaine mélancolie, l’impression de ne pas avoir su saisir un instant alors perdu à tout jamais. La nature est déjà là mais l’organisation humaine est plus lointaine. Le politique semble lui échapper et on voit alors un artiste user de la poésie pour cerner la vie des êtres, toute leur incohérence et leur violence.