Un roman troublant et superbement bien fichu, autant dans les différentes voix qui se succèdent, que dans la construction romanesque. Avec un épilogue en forme de boucle et de clin d'œil à l'adresse du lecteur: débrouille les fils, si tu peux !
Claire, 48 ans et prof de fac, est internée depuis des mois suite à un choc amoureux. Elle raconte son histoire à son nouveau psy. Pour pister son amant qui la négligeait, elle a créé un faux profil Facebook, dans le but de devenir "amie" avec Chris, le meilleur ami de l'homme de ses pensées, en se faisant passer pour quelqu’un d’autre. Et bien sûr, Chris est tombé amoureux de Claire et Claire est tombée amoureuse de Chris.
Ça ressemble à un Jeu de l'amour et du hasard en version moderne, sauf que l'un des deux seulement porte un masque, source d'un déséquilibre tragique. Quand Chris insiste pour rencontrer Claire, elle se défile, peu désireuse qu'il découvre qu'elle a deux fois l'âge qu'elle affiche. La voici écartelée entre ses deux personnes, la vraie et la fausse, entre réel et fiction.
Ce roman ressemble furieusement à un jeu de poupées russes, sauf qu'au lieu d'aller de la plus grande à la plus petite, c'est un peu l'inverse qui se produit ici : chaque histoire est emboitée dans une autre histoire qui la contient, lui donnant des rebondissements inattendus et lui servant de miroir déformant. Dix façons de raconter la même histoire, ou de l'imaginer, ou de la réinterpréter. Qui ment et qui dit la vérité ? Qui raconte l'histoire et qui la vit ? Il est beaucoup question dans ce roman de femmes qui vieillissent mais veulent continuer à séduire, et sur le regard que la société porte sur les femmes de plus de cinquante ans. Mais il ne s'agit pas seulement d'amour et de fiction, c'est aussi un livre sur l'écriture : exister pour écrire ou écrire pour exister ? Et il semble que pour Camille Laurens, désir amoureux et désir d'écrire soient intimement mêlés.