D'abord il y a la langue de Maylis de Kerangal, haletante, qui nous conduit à toute allure sur une corniche marseillaise cuite par le soleil. Elle tourbillonne au milieu des "petits cons de la corniche", ces gamins échappés des quartiers nord et venus réclamer, dans les rires et le vertige, leur dose de liberté. Libres les regards au dessus de la mer, où les barres d'immeubles ne cassent pas l'horizon, libres les corps qui fendent l'air et l'eau, libres les garçons de vivre un instant l'insouciance de l'enfance. Il y a les codes bien sûr, le chef auto-proclamé, Eddy, porté par son charisme, le petit rebelle, Mario, trop jeune et pourtant déjà tellement âgé, les copains qui se jaugent, se cherchent, s'agacent et se retrouvent dans le même cri quand les têtes émergent de l'eau après le grand saut.
Et puis il y a Suzanne, petite fille riche qui s'ennuie et qui voudrait bien en être. Il y a aussi Sylvestre Opéra, commissaire cabossé qui fait ce qu'il peut et leur envierait presque leur liberté à ces petits cons-là.
Le temps d'un été, ceux de la corniche vont défier l'ordre établi qui voudrait leur enlever leur liberté de sauter, découvrir les vertiges de l'amour et des hauteurs, oser toujours un peu plus. Écrasé par l'été brûlant, Corniche Kennedy raconte l'urgence de vivre, l'exaltation des sens pour pallier la violence de la vie, les vies en suspension et les rêves que l'on n'ose à peine effleurer. Un roman tout en tension, comme un saut dans le vide.