voyages au fil des pages - L'ami retrouvé

L'ami retrouvé

Fred Uhlman
L'ami retrouvé - Fred Uhlman
Terribles et poignantes « retrouvailles » que celles de Hans Schwarz, le narrateur, avec son ami d'enfance Conrad von Hohenfels, après une « séparation » de 30 ans. Difficile d'en dire plus sur le contexte de cette « réunion » (c'est le titre original anglais de ce récit) puisque ce n'est qu'à la dernière ligne de ce court roman que cette amitié, qu'on avait cru perdue, révèle toute son ampleur et sa noblesse.
Mais revenons au début de l'histoire.
En cet hiver 1932, Hans, 16 ans, fils d'un médecin juif respecté de Stuttgart, est un adolescent solitaire qui traîne son ennui sur les bancs du lycée, rêvant de vivre une amitié à la hauteur de ses attentes romanesques. Un jour, ce rêve se matérialise par l'arrivée en classe de Conrad, issu d'une famille appartenant à la haute noblesse allemande qui se rangera bientôt aux côtés d'Hitler. Bien que venant de milieux très différents, l'un juif et roturier, l'autre chrétien et aristocratique, les 2 garçons se rapprochent et se lient d'une amitié aussi intense qu'éphémère. Intense parce qu'exaltée, entière et exclusive. Ephémère parce qu'elle ne résistera pas aux vents mauvais de l'Histoire et de la montée du nazisme et de l'antisémitisme, qui, dès septembre 1932, poussent les deux garçons à s'éviter.
Expédié par ses parents aux Etats-Unis quelques mois plus tard, pour sa sécurité, Hans y passe les 30 années suivantes, entre déception, rancoeur vis-à-vis des nazis et nostalgie du passé.
Ce récit, qui est une autobiographie romancée, se lit en effet très vite et traduit bien les regrets du narrateur/auteur pour son Allemagne natale, douce et paisible, ses paysages, ses poètes, sa musique, sa culture, sans pour autant faire preuve de la rage et de la fureur que les circonstances auraient pourtant amplement justifiées.
Cette histoire d'une amitié précaire par le contexte mais inoubliable par sa force, est empreinte de mélancolie et d'une sensation de gâchis – individuel et collectif – incommensurable.