Le tourneur de pages - La définition du bonheur

Julien Lecteur
La définition du bonheur - Catherine Cusset
Ce parallélisme, au-delà du rythme qu’il donne à l’ensemble, compose un jeu d’échos entre ces moments sans appuyer sur la volonté de compréhension. Catherine Cusset n’installe pas une logique d’explication mais de sensibilisation aux choix de chacune de ses personnages. Selon les moments, Clarisse et Ève mèneront leur vie. Parfois, elles suivront et subiront. Raconté à la troisième personne, ce livre n’en est pour autant une démonstration d’un narrateur omniscient. Le lecteur ne sait pas tout mais le découvre progressivement à travers les paroles et les actes de ces deux femmes. Chaque chapitre, en alternance, capte un résumé d’un moment dans la vie de Clarisse et Ève. Il peut s’agir de quelques années ou d’une journée particulière. Au fur et à mesure, le puzzle de leurs vies se compose, comblant ici et là des manques, mais surtout précisant l’évolution d’une société et la possibilité d’être femme dans le monde. Leurs énergies respectives se renvoient la balle et les échos thématiques et sentimentaux (qui n’empêchent pas quelques répétitions) amènent des nuances, déploient des perspectives au titre de ce roman : La Définition du bonheur. Catherine Cusset use du temps, des changements sociaux et existentiels pour affiner la réponse que chacun pourrait donner. Tout en se concentrant sur ces deux parcours intimes, elle laisse la place au lecteur de dialoguer avec soi-même autour du thème du bonheur. Catherine Cusset compose un roman où la vie n’est pas uniquement psychologique, mais physique et sentimentale. En plus du cœur, le corps existe et supporte toujours autant de violence, d’indifférence ou de silence. Face au viol et à toute forme de violence, malgré le temps qui passe, la société reste muette et aveugle. Au cours de ce roman, on constate tous les interstices où la société patriarcale prend possession du corps des femmes. Là encore, à travers ces deux femmes, la société existe dans toute son incohérence et sa violence sourde.