cuneipage - Le Théâtre de Sabbath

Sylvie Lecteur
Le Théâtre de Sabbath - Philip Roth
Un des plus grands romans que j’aie eu l’occasion de lire.
Avec une plume d’une grande clarté (et ce n’est pas toujours le cas chez Roth !), il exhume des profondeurs d’un personnage déplaisant au possible tout ce qui constitue un être humain : ses joies (les immenses et les minuscules), ses trahisons (avec majuscule et/ou les petites lâchetés), ses dévotions, erreurs, manquements – en montrant un pathétique obsédé sexuel, Roth parvient à nous faire ressentir sa dignité, c’est dingue quand même, non ?
Il est fou, Philip Roth, d’oser comme ça. Il faut être cinglé pour décrire avec cette minutie la transgression. C’est dangereux, tout comme on ressent ça, la dangerosité de Mickey Sabbath : vieux, moche, dégueulasse, triste, fauché et paumé mais puissant, dessous, un instinct viscéral qui sort des pages et vient choper le lecteur bien comme il faut. C’est dangereux mais c’est irrésistible, son sens des dialogues, cet humour parfait, ces scènes qui font tellement mal, la gorge du lecteur bloquée au dernier degré, les larmes qui menacent plusieurs fois, et le souffle court, aussi, bien sûr – terriblement émoustillant, malgré nos défenses.
Oui, il est braque (comme dit un personnage), Philip Roth, mais quel talent !